FUEYE

Fueye 

(concertino para bandonéon et ensemble) 

Commande de l'ensemble TM+ avec le soutien de la SACEM.

Fueye est le mot de lunfardo (l’argot argentin) qui désigne le bandonéon. C’est par son essence de souffle d’air et d’expression qu’il est ainsi identifié dans la culture populaire.

Les « fueyes » sont aussi, toujours en « lunfardo », les poumons.

L’essence de l’instrument tient sa singularité du timbre infime mais aussi d’une puissance saisissante. Par le phrasé il a toujours été associé aux instruments à corde, et particulièrement au violon, avec lequel il partage, dans le répertoire traditionnel, la voix principale. 

Je pars donc d’un constat organique et physique du bandonéon pour tisser un réseau étendu de possibilités motiviques, timbrales et dynamiques, allant du chant pur et émouvant, à la percussion presque bruitée, mais toujours conservant une énergie motrice, en ébullition latente ou en franche éclosion.

En ce qui touche au langage musical il est presque impossible de dissocier le bandonéon du tango. Ce dernier a déjà une histoire plus que centenaire, et réserve bien des surprises et des voies encore non explorées. Par conséquent cette pièce n’éludera pas la question du tango, sans s’y référer exclusivement. 

En tant que compositeur aux influences multiples, je me permets le voyage entre une mythologie des faubourgs et une exploration du temps, de la matière sonore, des limites et de l’infini (cela pourrait être une citation de Jorge Luis Borges).

Cette attitude globalisante, ne relève pas d’un souci d’inclusion, pas plus que d’une quelconque mixité à la mode, ni d’une préoccupation pour me rendre agréable ou avenant, ni une visite « en touriste » d’une autre culture, ni la nostalgie d’un passé musical qu’il faudrait revivifier.

Ces composantes, à l’apparence si contradictoire (et bien d’autres qui relèverait de la poésie du théâtre ou des arts plastiques), vivent en moi de façon permanente et ne cessent de créer des frictions et relations productives entre-elles ; la musique qui en résulte ne saurait s’en affranchir. 

Et si l’air qui traverse les cordes vocales du poète devient poésie – comme disait Dylan Thomas – j’ose espérer que cet air du soufflet (le fueye) qui anime les lames du bandonéon deviendra musique.